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sonner. Ce personnage, né musicien, autant et plus peut-être que son oncle, ne put jamais s’enfoncer dans les profondeurs de l’art ; mais il était né plein de chant et avait l’étrange facilité d’en trouver, impromptu, de l’agréable et de l’expressif, sur quelques paroles qu’on voulût lui donner ; seulement, il eût fallu qu’un véritable artiste eût arrangé et corrigé ses phrases et composé ses partitions. Il était de figure aussi horriblement que plaisamment laid, très-souvent ennuyeux, parce que son génie l’inspirait rarement ; mais, si sa verve le servait, il faisait rire jusqu’aux larmes. Il vécut pauvre, ne pouvant suivre aucune profession. Sa pauvreté absolue lui faisait honneur dans mon esprit. Il n’était pas absolument sans fortune, mais il eût fallu dépouiller son père du bien de sa mère, et il se refusa à l’idée de réduire à la misère l’auteur de ses jours, qui s’était remarié et avait des enfants. Il a donné, dans plusieurs autres occasions, des preuves de la bonté de son cœur. Cet homme singulier vécut passionné pour la gloire, qu’il ne pouvait acquérir dans aucun genre… Il est mort dans une maison religieuse, où sa famille l’avait placé, après quatre ans de retraite qu’il avait prise en gré, et ayant gagné le cœur de tous ceux qui d’abord n’avaient été que ses geôliers. »

Les lettres de Cazotte sur la musique, dont plusieurs sont des réponses à la Lettre de J.-J. Rousseau sur l’Opéra, se rapportent à cette légère incursion dans le domaine lyrique. La plupart de ses écrits sont anonymes, et ont été recueillis depuis comme pièces diplomatiques de la guerre de l’Opéra. Quelques-unes sont certaines, d’autres douteuses. Nous serions bien étonné s’il fallait ranger parmi ces dernières le Petit Prophète de Bœmischbroda, fantaisie attribuée à Grimm, qui compléterait au besoin l’analogie marquée de Cazotte et d’Hoffmann.

C’était encore la belle époque de la vie de Cazotte ; voici le portrait qu’a donné Charles Nodier de cet homme célèbre, qu’il avait vu dans sa jeunesse :

« À une extrême bienveillance, qui se peignait dans sa belle