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sa femme avaient vendu tous leurs biens au père Lavalette, supérieur de la mission des jésuites, homme instruit avec lequel il avait entretenu, pendant son séjour aux colonies, des relations agréables. Celui-ci s’était acquitté en lettres de change sur la compagnie des jésuites à Paris.

Il y en avait pour cinquante mille écus ; il les présente, la Compagnie les laisse protester. Les supérieurs prétendirent que le père Lavalette s’était livré à des spéculations dangereuses et qu’ils ne pouvaient reconnaître. Cazotte, qui avait engagé là tout le plus clair de son avoir, se vit réduit à plaider contre ses anciens professeurs, et ce procès, dont souffrit son cœur religieux et monarchique, fut l’origine de tous ceux qui fondirent ensuite sur la société de Jésus et en amenèrent la ruine.

Ainsi commençaient les fatalités de cette existence singulière. Il n’est pas douteux que, dès lors, ses convictions religieuses plièrent de certains côtés. Le succès du poème d’Ollivier l’encourageait à continuer d’écrire, il fit paraître le Diable amoureux.

Cet ouvrage est célèbre à divers titres ; il brille entre ceux de Cazotte par le charme et la perfection des détails ; mais il les surpasse tous par l’originalité de la conception. En France, à l’étranger surtout, ce livre a fait école et a inspiré bien des productions analogues.

Nous allons donner une idée de ce singulier roman, qui fonda presque seul la réputation de son auteur, et dont l’invention fut par lui plus sérieuse qu’on ne croirait.

Dans le Diable amoureux, nous rencontrons d’abord un jeune homme naïf et plein d’audace, qui, dînant avec des étourdis de son âge, fait le pari d’aller évoquer le diable dans un lieu qu’on lui dit être propre à cette entreprise.

La scène se passe à Portici, près de Naples. Le lieu désigné est une de ces grandes ruines romaines que Piranèse a dessinées et que Winkelmann a décrites. Le jeune homme s’y rend seul, accomplit les formules d’évocation qu’on lui a indiquées,