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des nullités, comme nous en avons tant dans notre Assemblée actuelle ! Une foule de procureurs, d’avocats, des Chapelier, des Sumac, des… des… empestent l’Assemblée de l’esprit d’astuce et de chicane… Mon ami, si je cesse d’exister, que ces plumassiers feront de mal !… Si un homme méprisé, comme ce faquin de Robespierre, venait à acquérir quelque prépondérance, vous le verriez devenir grave, couvert, atroce… Moi seul, je pourrais l’arrêter… »

Peu de jours après cette conversation, Mirabeau mourut.

« Je ne pus entrer, dit l’écrivain, pendant sa dernière maladie, parce que je n’étais pas connu de ses alentours, surtout du sieur Cabanis… Ah ! si Préval avait vécu, Mirabeau vivrait encore ! »

Préval était un médecin qui avait sauvé Restif de plusieurs maladies dangereuses.

Restif attribuera la mort de Mirabeau la chute suprême de la monarchie. C’est en se voyant privés de ce dernier appui, appui intéressé sans doute, puisque Mirabeau comptait devenir une sorte de maire du palais, que Louis XVI et Marie-Antoinette se décidèrent au voyage de Varennes… « Cet homme était, dit-il ailleurs, le dernier espoir de la patrie, que ses vices mêmes eussent sauvée… tandis que les vertus des sots, tels que Chamillard et d’Ormesson, l’ont perdue. » Et, revenant sur ses propres misères, causées par la dépréciation des assignats, qui lui faisait perdre ses soixante-quatorze mille francs d’économies, il se rappelle avec amertume que Mirabeau lui avait dit : « Il faudrait déchirer à coups de nerf de bœuf tout marchand d’argent, et faire brûler vif ou piler dans un mortier tout dépréciateur des assignats. »