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vouement, avec enthousiasme, avec folie. Ses livres seraient illisibles autrement.

Mais bientôt nous voici en pleine révolution. Le philosophe qui prétendait effacer Newton, le socialiste ont la hardiesse étonnait l’esprit compassé de Sieyès, n’était pas un républicain. Il lui arrivait, comme aux principaux créateurs d’utopies, depuis Fénelon et Saint-Pierre jusqu’à Saint-Simon et Fourier, d’être entièrement indifférent à la forme politique de l’État. Le communisme même, qui formait le fond de sa doctrine, lui paraissait possible sous l’autorité d’un monarque, de même que toutes les réformes du Pornographe et du Gynographe lui semblaient praticables sous l’autorité paternelle d’un bon lieutenant de police. Pour lui comme pour les musulmans, le prince personnifiait l’État propriétaire universel. En tonnant contre l’infâme propriété (c’est le nom qu’il lui donne mille fois), il admettait la possession personnelle, transmissible à certaines conditions, et jusqu’à la noblesse, récompense des belles actions, mais qui devait s’éteindre dans les enfants, s’ils n’en renouvelaient la source par des traits de courage ou de vertu.

Dans le second volume des Contemporaines, Restif donne le plan d’une association d’ouvriers et de commerçants qui réduit à rien le capital : — c’est la banque d’échange dans toute sa pureté. — Voici un exemple : Vingt commerçants, ouvriers eux-mêmes, habitent une rue du quartier Saint-Martin. Chacun d’eux est le représentant d’une industrie utile. L’argent manque par suite des inquiétudes politiques, et cette rue, autrefois si prospère, est attristée de l’oisiveté forcée de ses habitants. Un bijoutier orfèvre qui a voyagé en Allemagne, qui y a vu les hernutes, conçoit l’idée d’une association analogue des habitants de la rue : on s’engagera à ne se servir d’aucune monnaie et à tout acheter ou vendre par échange, de sorte que le boulanger prenne sa viande chez le boucher, s’habille chez le tailleur et se chausse chez le cordonnier ; tous les associés doivent agir de même. Chacun peut acquérir ou dé-