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et d’avoir été affectueuse et bonne avec vous. De quel droit vous mêlez-vous de ce qui me concerne ? de quel droit révélez-vous des secrets et déshonorez-vous ma mère ?… Au reste, ajouta-t-elle en élevant la voix, je ne sais pourquoi nous allons ainsi ensemble. C’est sans doute pour faire croire que nos relations n’ont pas toujours été innocentes. Osez le dire, monsieur !

Nicolas ne voulut même pas répondre. Le rouge sur le front, la mort dans le cœur, il n’eut pas la force d’être généreux en venant en aide au mensonge de la jeune fille. Il salua gauchement la société, et ce ne fut qu’en poursuivant sa route qu’il exhala tour à tour ses plaintes et ses imprécations. Une seule pensée venait tempérer sa douleur, c’était de reconnaître que la Providence l’avait justement frappé.

XIV

LES MARIAGES DE NICOLAS

Les mariages de Nicolas sont les côtés tristes de sa vie ; c’est le revers obscur de cette médaille éclatante où rayonnaient tant de beautés au profil gracieux. L’hymen devait faire expier durement à Nicolas les faveurs si multipliées de l’amour, et, d’après son système d’une providence qui faisait succéder toujours l’expiation à la faute commise, il n’avait nulle raison de se plaindre des douleurs morales qui l’accablèrent jusqu’aux derniers jours de sa vie. Il trouva, du reste, quelque adoucissement à ses maux dans cette pensée que l’enfer existait déjà pour lui sur la terre, et que la mort le renverrait pur et suffisamment éprouvé dans le sein de l’âme universelle. Cette doctrine, longuement développée dans sa Morale, a l’inconvénient de n’empêcher personne de se livrer au mal, en bravant dans une heure d’enivrement les conséquences fatales qui ne doivent se manifester que plus tard. N’est-ce pas là une singulière appli-