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— Quelle apparence ? dit Mme Léeman. On sait bien que c’est toujours mon argent qui aurait dansé.

M. Florimond repoussait ces insinuations avec la dignité de l’honneur outragé.

— Je crois plutôt, dit Nicolas, que c’est moi qui aurai avalé la fève par mégarde ; je me regarde donc comme obligé de vous offrir du vin chaud.

La satisfaction de Florimond et l’admiration des deux femmes pour le procédé de Nicolas le payèrent avec usure de son sacrifice.

Le lendemain, Nicolas reçut la visite de Mme Léeman.

— J’ai à vous parler, dit-elle, au sujet de ma fille.

Et elle lui raconta qu’elle avait dû la marier à un M. Delarbre, jeune homme qui était venu fréquemment dans la maison, puis avait cessé tout à coup ses visites. Elle demanda à Nicolas si sa fille lui avait parlé de ces relations antérieures, innocentes du reste.

— Oui, dit-il, mais comme d’un souvenir entièrement effacé.

La mère répondit que ce parti ne convenait nullement à sa fille ; puis, adoucissant sa voix, elle ajouta qu’une nouvelle proposition lui était faite. Un nommé M. de Vesgon, ancien ami de la famille, offrait d’assurer le sort de cette enfant moyennant une donation de vingt mille livres, et cela par un sentiment tout paternel, résultant de l’amitié que cet homme respectable avait autrefois pour le père de Sara… Toutefois cette dernière avait refusé la proposition, et Mme Léeman, sentant son autorité de mère impuissante à vaincre la prévention de la jeune fille, venait prier Nicolas d’agir à son tour par la persuasion que son esprit supérieur était sûr de produire.

Nicolas ne put retenir un mouvement de surprise. Mme Léeman fit valoir le mauvais état de sa santé.

— Si ma pauvre enfant venait à me perdre, qu’arriverait-il ? ajouta la mère. J’ai de l’expérience, moi, mon bon monsieur Nicolas ; le temps passe, la beauté s’en va ; Sara se procure-