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bâtardes et mélangées. Ces problèmes bizarres ont amusé beaucoup d’hommes distingués au xviiie siècle ; mais nul ne porta plus loin que lui cet esprit de paradoxe, illuminé parfois d’un éclair de vérité.

Si touchante qu’ait été la mort de Zéfire et la pensée d’expiation qui s’y rapporte, on ne peut s’empêcher de déplorer l’influence fatale qu’eut cette aventure sur les ouvrages et les mœurs de l’écrivain. Comme le sentait si justement Loiseau, l’on ne touche pas impunément à la corruption. Le Pornographe, ouvrage à prétentions morales, mais où l’auteur se complaît à exposer des raisonnements d’une moralité souvent contestable, fut le résultat des méditations de Nicolas sur le sort d’une certaine classe de femmes qu’il voulait relever à leurs propres yeux comme aux yeux du monde…

XIII

SARA

Nous arrivons à une époque féconde en enseignements profonds et en souvenirs douloureux. Nicolas n’est plus le beau danseur d’Auxerre, l’apprenti bien-aimé de Mme Parangon, l’amoureux de ces onze mille vierges, tant soit peu martyres la plupart, qui se nommaient Jeannette Rousseau, Marguerite Pâris, Manon Prudhot, Flipote, Tonton Laclos, Colombe, Edmée Servigné, Delphine Baron ou Rose Lambelin ; ce n’est plus même l’amant déjà formé de Mlle Prudhomme et de la belle Mlle Guéant, ni le galant obscur que la blonde Septimanie, comtesse d’Egmont, avait pu choisir pour suppléer aux froideurs de son noble époux. — Nous sommes cette fois en 1780 ; Nicolas a quarante-cinq ans. Il n’est pas vieux encore, mais il n’est plus jeune déjà ; sa voix s’éraille, sa peau se ride, et des fils d’argent se mêlent aux mèches de cheveux noirs qui se laissent voir parfois sous sa perruque négligée. Le riche