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— Oh ! dit l’abbé Papasaredo, il y a quelque autre raison aussi… Vous aurez voulu la punir d’avoir parlé à cet officier… Vous êtes cruel dans vos jalousies, Corbé !

— Mais non, dit Corbé, flatté du reste de cette observation. Cette fille a la manie d’élever des oiseaux et de les instruire. On lui avait permis de conserver quelques pierrots. Sa fenêtre donne sur le jardin. Un de ses oiseaux s’échappe et se voit saisi par un chat. Elle crie alors à cet officier : « Oh ! sauvez mon oiseau ! C’est le plus joli, celui qui danse le rigodon ! » L’officier a eu la faiblesse de courir après le chat, et n’a pu même sauver l’oiseau ; il est aux arrêts et elle au cachot, voilà tout.

Corbé tourna sur ses talons et sortit, échappant aux invectives sardoniques de l’abbé italien. Il était, du reste, de belle humeur, parce que l’un des prisonniers lui avait donné une bague à chaton de saphir, et que l’abbé de Bucquoy, mécontent de son ordinaire, y renonçait pour faire venir ses repas du dehors. M. de Falourdet raconta là-dessus qu’il avait vu son sort adouci par les mêmes moyens. Toutefois, l’écot était cher et le service médiocre ; on lui comptait du vin à six sous pour du vin de Champagne d’une livre, et le reste était à l’avenant.

Il avait dit alors à Corbé : « Je paierai double, mais je veux du meilleur. » Corbé avait répondu : « Vous parlez bien, les fournisseurs nous trompent… Je m’occuperai moi-même du choix des vins et des victuailles. »

Depuis ce temps, en effet, tout était de bonne qualité et de premier choix.

L’entretien s’anima après le départ de Corbé ; seul, le baron de Peken restait pensif devant son assiette, avec une colère concentrée qui finit par s’abattre sur le porte-clés Ru.

— Sapperment ! dit le baron, pourquoi n’ai-je devant