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si petit sujet, et disait que la Maintenon aurait dû suivre l’exemple de la reine Catherine de Médicis, qui, ouvrant un jour sa fenêtre du Louvre, vit au bord de la Seine des soldats qui faisaient rôtir une oie, et en charmaient l’attente en répétant une chanson dirigée contre elle-même. Elle se borna à leur crier : « Pourquoi dites-vous du mal de cette pauvre reine Catherine, qui ne vous en fait aucun ? C’est pourtant grâce à son argent que vous rôtissez cette oie ! » Le roi de Navarre, qui était en ce moment près d’elle, voulait descendre pour châtier ces bélîtres, et elle lui dit : « Restez ici ; cela se passe trop au-dessous de nous. »

Il y avait encore là un abbé italien nommé Papasaredo.

Quand on apporta le souper, Corbé, selon l’usage, accompagna le service, et demanda si quelqu’un avait à se plaindre. « Je me plains, s’écria l’abbé Papasaredo, de ce que la compagnie devient trop nombreuse, et s’est accrue d’un second abbé… J’aimerais mieux des femmes ! et il n’en manque pas ici que l’on peut faire venir.

— C’est entièrement contre les règlements, dit Corbé.

— Allons, mon petit Corbé, mettez-moi en cellule avec une prisonnière…

Corbé haussa les épaules.

— Voyons, donnez-moi la Marton, la Fleury, la Bondy ou la Dubois, enfin un de vos restes… Pourquoi pas même cette jolie Marguerite Filandrier, la marchande de cheveux du cloître Sainte-Opportune, que nous entendons d’ici chanter toute la journée.

— Est-ce là le discours que doit tenir un prêtre ? dit Corbé… J’en appelle à ces messieurs ! Quant à la Filandrier, nous l’avons mise au cachot pour avoir adressé la parole à un officier de garde.