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Nous vîmes remonter le porte-clés Ru avec ses culottes teintes de sang. Il nous dit : Je viens de sauver cette pauvre Irlandaise, à laquelle M. Corbé voulait plaire… Il l’avait envoyée au cachot, sur le refus qu’elle avait fait de recevoir ses visites ; et, comme elle refusa, là encore, de le recevoir, on résolut de la placer à un étage inférieur.

Elle résista, lorsqu’on voulut l’y conduire, et les gens qui l’emportèrent la traînèrent si maladroitement que sa tête rebondissait sur les marches des escaliers… J’ai été taché de son sang. On l’avait prise dans son lit à demi nue… et Corbé, qui dirigeait cette expédition, ne lui fit pas grâce d’une seule de ces tortures.

— Est-elle morte ? dit l’abbé de Bucquoy.

— Elle s’est étranglée cette nuit.

VI.

LA TOUR DU COIN.

La société était assez choisie au troisième étage de la tour du Coin. C’était là qu’on plaçait les favoris du gouverneur. Il y avait, outre Renneville et l’abbé, un gentilhomme allemand nommé le baron de Peken, arrêté pour avoir dit « que le roi ne voyait qu’au travers des lunettes de Mme de Maintenon » ; puis un nommé de Falourdet, compromis dans une affaire relative à des titres faux de noblesse ; ensuite un ancien soldat nommé Jacob le Berthon, accusé d’avoir chanté des chansons grivoises où le nom de la maîtresse du roi n’était pas respecté.

Renneville le plaignait beaucoup d’être détenu pour un