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Mais nous ne pouvons nous prononcer encore avant d’avoir apprécié les actes dudit Bernaville, et il serait injuste de s’en tenir aux récits exagérés des prisonniers.

Quant au nommé Corbé, son assesseur, voici encore son portrait, tracé d’une main qui sent un peu l’école de Cyrano :

« Il avait un petit habit gris de ras de Nîmes si pelé, qu’il faisait peur aux voleurs en leur montrant la corde ; une méchante culotte bleue, tout usée, rapiécée par les genoux ; un chapeau déteint, ombragé d’un vieux plumet noir tout plumé, et une perruque qui rougissait d’être si antique. Sa mine basse, encore au-dessous de son équipage, l’aurait plutôt fait prendre pour un poussecu que pour un officier. »

L’abbé de Bucquoy, jouant au piquet avec Renneville, l’un des prisonniers, sous un berceau en treillage, lui dit : « Mais on est très bien ici, et, avec la perspective d’en sortir prochainement, qui voudrait tenter de s’en échapper ?

— La chose serait impossible, dit Renneville… Mais, quant à juger du traitement que l’on reçoit dans ce château, attendez encore.

— Ne vous y trouvez-vous pas bien ?

— Très bien pour le moment… J’en suis revenu à la lune de miel, où vous êtes encore…

— Comment vous a-t-on mis ici ?

— Bien simplement ; comme beaucoup d’autres… Je ne sais pourquoi.

— Mais vous avez bien fait quelque chose pour entrer à la Bastille ?

— Un madrigal.

— Dites-le-moi… Je vous en donnerai franchement mon avis.

— C’est que ce madrigal est suivi d’un autre, parodié sur les mêmes rimes, et qui m’a été attribué à tort…