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d’une seule fenêtre. Une grille au dehors, une grille au dedans laissaient voir seulement, de la salle, une chambre carrée, formée par l’épaisseur du mur, et du fond de laquelle on pouvait puiser l’air respirable.

L’abbé avait été placé dans la tour de la Bretignière.

Les autres s’appelaient tour de la Bretaudière, de la Comté, du Puits, du Trésor, du Coin, de la Liberté. La huitième s’appelait la tour de la Chapelle. On n’en sortait généralement que pour mourir, à moins qu’on n’y descendît obscurément dans ces oubliettes fameuses dont les traces furent retrouvées à l’époque de la démolition.

L’abbé de Bucquoy resta pendant quelques jours dans les salles basses de la tour de la Bretignière, ce qui prouvait que son affaire paraissait grave, car autrement les prisonniers étaient mieux traités d’abord. Son premier interrogatoire, auquel présida d’Argenson, détruisit la pensée qu’il fût absolument le complice des faux saulniers de Soissons. De plus, il s’appuya des hautes relations qu’avait sa famille ; de sorte que le gouverneur Bernaville lui fit une visite et l’invita à déjeûner, ce qui était d’usage, à l’arrivée, pour les prisonniers d’un certain rang.

On mit l’abbé de Bucquoy dans une chambre plus élevée et plus aérée où se trouvaient d’autres prisonniers. C’était à la tour du Coin : lieu privilégié placé sous la surveillance d’un porte-clefs nommé Ru, qui passait pour un homme plein de douceur et d’attentions pour les prisonniers.

En entrant dans la salle commune, l’abbé fut frappé d’étonnement, en regardant les murs peints à fresque, d’y trouver une image du Christ singulièrement défigurée.

On avait dessiné des cornes rouges sur sa tête, et sur sa poitrine était une large inscription qui portait ce mot : Mystère.

Une inscription charbonnée se lisait au-dessous : « La