Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’abbé de Bucquoy, voyant toutes ses sollicitations restées sans effets, dut se résoudre à sortir de France. Il prit la route de Champagne, déguisé en marchand forain. Malheureusement il arriva à La Fère au moment où un parti des alliés qui avait enlevé M. le Premier, s’était vu coupé du côté de Ham et forcé de se dissoudre. L’abbé fut considéré comme un des fugitifs, et bien qu’il protestât de sa qualité de marchand, on le déposa à la prison de La Fère en attendant qu’on eût reçu des renseignements de Paris… Ce coup-d’œil ingénieux, qui lui avait fait trouver les moyens de s’échapper du For l’Évêque, lui avait fait découvrir un certain tas de pierres qui pouvait servir à arriver sur la rampe du mur.

Avant d’entrer dans la cellule, il pria le concierge de lui aller chercher à boire, et, en son absence, se mit à grimper jusqu’à un bastion d’où il se précipita dans un fossé plein d’eau qui entourait la prison. Il le traversait à la nage, lorsque la femme du concierge qui l’avait aperçu par une fenêtre, mit l’alarme dans la prison, ce qui fit qu’on le ressaisit au bord et qu’on le ramena épuisé et tout couvert de boue. On prit soin cette fois de le mettre au cachot.

On avait eu de la peine à faire revenir le pauvre abbé de Bucquoy d’un long évanouissement, suite de son plongeon dans l’eau, et les paroles qu’il prononça sur la Providence qui l’avait abandonné dans son dessein, donnèrent à penser que c’était un ministre calviniste échappé des Cévennes : on l’envoya donc à Soissons, dont la prison était plus sûre que celle de La Fère.

Soissons est une ville très intéressante pour qui la voit en liberté. La prison était alors située entre l’évêché et l’église Saint-Jean ; elle s’adossait, du côté du nord, aux fortifications de la ville.