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annonçait aux siècles postérieurs le retour vainqueur d’Apollon.

La réforme toute romaine du calendrier, de la numération, des idées politiques, des costumes, tout cela voulait-il dire autre chose ? et l’aspiration nouvelle aux dieux, après les mille ans d’interruption de leur culte, n’avait-elle pas commencé à se montrer au xve siècle, avant même que, sous le nom de Renaissance, l’art, la science et la philosophie se fussent renouvelés au souffle inspirateur des exilés de Byzance ? Le palladium mystique, qui avait jusque-là protégé la ville de Constantin, allait se rompre, et déjà la semence nouvelle faisait sortir de terre les génies emprisonnés du vieux monde. Les Médicis, accueillant les philosophes accusés de platonisme par l’inquisition de Rome, ne firent-ils pas de Florence une nouvelle Alexandrie ?

Le mouvement s’étendait déjà à l’Europe, semait en Allemagne les germes du panthéisme à travers les transitions de la Réforme, l’Angleterre, à son tour, se détachait du pape, et dans la France, où l’hérésie triomphe moins que l’indifférence et l’impiété, voilà toute une école de savants, d’artistes et de poètes, qui, aux yeux, comme à l’esprit, ravivent sous toutes les formes la splendeur des Olympiens. — C’est par un caprice joyeux, peut-être, que les poètes de la Pléiade sacrifient un bouc à Bacchus, mais ne vont-ils pas transmettre leur âme et leur pensée intime aux épicuriens du grand siècle, aux spinosistes et aux gassendistes, qui auront aussi leurs poètes, jusqu’à ce qu’on voie apparaître au-dessus de ces couches fécondées par l’esprit ancien, l’Encyclopédie toute armée, achevant en moins d’un siècle la démolition du moyen âge politique et religieux ?