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exerçons envers le citoyen et envers l’étranger toute sorte d’actes de justice et de piété. »

» Ont-ils enseigné aux hommes le pardon des injures ? mais les livres mêmes des Juifs, malgré leur horrible zélotipie, en ont des préceptes : vous ne chercherez point la vengeance, dit le lévitique ; vous ne verrez point le bœuf ou l’âne de votre ennemi tomber dans un fossé sans le relever. Quand bien même vous auriez souffert l’injure, disait Platon, il ne faut point se venger, parce que se venger, ce serait faire injure, et qu’il n’en faut point faire. Ce mot de vengeance, disait Sénèque, n’est pas le mot d’un homme, c’est celui d’une bête féroce. C’est d’une bête et non d’un homme, disait Musonius, de chercher comment on rendra morsure pour morsure. J’aime mieux recevoir de vous injure que de vous en faire, disait Phocion aux Athéniens. Tout ce que je demande aux dieux, disait Aristide en sortant d’Athènes pour s’en aller en exil, c’est que les Athéniens n’aient jamais besoin d’Aristide.

» D’autres ont beaucoup estimé la morale de ces religions particulières, et n’ont pas su que tout ce qu’il y a de bon dans cette morale, le renoncement à soi-même, à la corruption de la chair, la rentrée de l’homme en son essence, le mépris des choses terrestres, la victoire de ses passions, la charité universelle se trouvent dans toutes les nations ; mais cette morale, surtout dans la religion chrétienne, portée au point où les disciples de Jésus l’ont mise, a produit toutes les horreurs, tous les crimes, les mensonges et les calomnies que je viens de décrire.

» Vous n’avez pas plus la morale que la doctrine de Jésus. Jésus, semblable à ceux qui l’avaient instruit, ne voulait avoir qu’un petit nombre de disciples : il savait bien que les choses sublimes et hors du sens commun des