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ses soutiens, son corps, son faux chignon, et de vêtir une lévite blanche avec une ceinture de couleur. Il y en avait six en noir, six en bleu, six en coquelicot, six en violet, six en couleur de rose, six en impossible. On leur remit à chacune un grand voile qu’elles placèrent en sautoir de gauche à droite.

Lorsqu’elles furent toutes préparées, on les fit entrer deux à deux dans un temple éclairé, garni de trente-six bergères couvertes de satin noir. Mme de Cagliostro, vêtue de blanc, était sur une espèce de trône, escortée de deux grandes figures habillées de façon qu’on ignorait si c’étaient des spectres, des hommes ou des femmes. La lumière qui éclairait cette salle s’affaiblissait insensiblement, et lorsqu’à peine on distinguait les objets, la grande prêtresse ordonna de découvrir la jambe gauche jusqu’à la naissance du genou. Après cet exercice, elle ordonna de nouveau d’élever le bras droit et de l’appuyer sur la colonne voisine. Alors, deux femmes tenant un glaive à la main entrèrent, et, ayant reçu des mains de Mme Cagliostro des liens de soie, elles attachèrent les trente-six dames par les jambes et par les bras.

Cette cérémonie finie, celle-ci commença un discours en ces termes :

« L’état dans lequel vous vous trouvez est le symbole de celui où vous êtes dans la société. Si les hommes vous éloignent de leurs mystères, de leurs projets, c’est qu’ils veulent vous tenir à jamais dans la dépendance. Dans toutes les parties du monde la femme est leur première esclave, depuis le sérail où un despote enferme cinq cents d’entre nous, jusque dans ces climats sauvages où nous n’osons nous asseoir à côté d’un époux chasseur !… nous sommes des victimes sacrifiées dès l’enfance à des dieux cruels. Si, brisant ce joug honteux, nous concertions