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Il serait trop long de relever les diverses superstitions qui ont pris mille formes, selon les temps. Il s’est trouvé, au xviiie siècle, des ecclésiastiques, tels que l’abbé de Villars, le père Bougeant, dom Pernetty et autres, qui ont soutenu que les dieux de l’antiquité n’étaient pas des démons, comme l’avaient prétendu des casuistes trop sévères, et n’étaient pas même damnés. Ils les rangeaient dans la classe des esprits élémentaires, lesquels n’ayant pas pris part à la grande lutte qui eut lieu primitivement entre les anges et les démons n’avaient dû être ni maudits ni anéantis par la justice divine, et avaient pu jouir d’un certain pouvoir sur les éléments et sur les hommes jusqu’à l’arrivée du Christ. L’abbé de Villars en donnait pour preuves les miracles que la Bible elle-même reconnaît avoir été produits par les dieux ammonéens, philistins ou autres en faveur de leurs peuples, et les prophéties souvent accomplies des esprits de Typhon. Il rangeait parmi ces dernières les oracles des Sibylles favorables au Christ et les derniers oracles de l’Apollon de Delphes, qui furent cités par les Pères de l’Église comme preuves de la mission du Fils de l’homme.

D’après ce système, toute l’antique hiérarchie des divinités païennes aurait trouvé sa place dans les mille attributions que le catholicisme attribuait aux fonctions inférieures à accomplir dans la matière et dans l’espace, et seraient devenues ce qu’on a appelé les esprits ou les génies, lesquels se divisent en quatre classes, d’après le nombre des éléments : les Sylphes pour l’air, les Salamandres pour le feu, les Ondins pour l’eau et les Gnômes pour la terre.

Sur cette question de détail seule, il s’est élevé entre l’abbé de Villars et le père Bougeant, jésuite, une scission qui a occupé longtemps les beaux esprits du siècle der-