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On a cherché dans le songe de Cazotte cité plus haut, et dans l’heureuse délivrance chantée par la foule au dénouement de la scène, quelques rapports vagues de lieux et de détails avec la scène que nous venons de décrire ; il serait puéril de les relever ; un pressentiment plus évident lui apprit que le beau dévouement de sa fille ne pouvait le soustraire à sa destinée.

Le lendemain du jour où il avait été ramené en triomphe par le peuple, plusieurs de ses amis vinrent le féliciter. Un d’eux, M. de Saint-Charles, lui dit en l’abordant : « Vous voilà sauvé ! — Pas pour longtemps, répondit Cazotte en souriant tristement… Un moment avant votre arrivée, j’ai eu une vision. J’ai cru voir un gendarme qui venait me chercher de la part de Pétion ; j’ai été obligé de le suivre ; j’ai paru devant le maire de Paris, qui m’a fait conduire à la Conciergerie, et de là au tribunal révolutionnaire. Mon heure est venue. »

M. de Saint-Charles le quitta croyant que sa raison avait souffert des terribles épreuves par lesquelles il avait passé. Un avocat, nommé Julien, offrit à Cazotte sa maison pour asile et les moyens d’échapper aux recherches ; mais le vieillard était résolu à ne point combattre la destinée. Le 11 septembre, il vit entrer chez lui l’homme de sa vision, un gendarme portant un ordre signé Pétion, Pâris et Sergent ; on le conduisit à la mairie, et de là à la Conciergerie, où ses amis ne purent le voir. Elisabeth obtint, à force de prières, la permission de servir son père, et demeura dans sa prison jusqu’au dernier jour. Mais ses efforts pour intéresser les juges n’eurent pas le même succès qu’auprès du peuple, et Cazotte, sur le réquisitoire de Fouquier-Tinville, fut condamné à mort après vingt-sept heures d’interrogatoire.

Avant le prononcé de l’arrêt, l’on fit mettre au secret