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nissent toujours où commencent les douleurs de ce qu’il aime. »

La journée du 10 août vint mettre fin aux illusions des amis de la monarchie. Le peuple pénétra dans les Tuileries, après avoir mis à mort les Suisses et un assez grand nombre de gentilshommes dévoués au roi ; l’un des fils de Cazotte combattait parmi ces derniers, l’autre servait dans les armées de l’émigration. On cherchait partout des preuves de la conspiration royaliste dite des chevaliers du poignard ; en saisissant les papiers de Laporte, intendant de la liste civile, on y découvrit toute la correspondance de Cazotte avec son ami Ponteau ; aussitôt il fut décrété d’accusation et arrêté dans sa maison de Pierry.

« Reconnaissez-vous ces lettres ? lui dit le commissaire de l’Assemblée législative.

— Elles sont de moi en effet.

— Et c’est moi qui les ai écrites sous la dictée de mon père, » s’écria sa fille Elisabeth, jalouse de partager ses dangers et sa prison.

Elle fut arrêtée avec son père, et tous deux, conduits à Paris dans la voiture de Cazotte, furent enfermés à l’Abbaye dans les derniers jours du mois d’août. Mme Cazotte implora en vain de son côté la faveur d’accompagner son mari et sa fille.

Les malheureux réunis dans cette prison jouissaient encore de quelque liberté intérieure. Il leur était permis de se réunir à certaines heures, et souvent l’ancienne chapelle où se rassemblaient les prisonniers présentait le tableau des brillantes réunions du monde. Ces illusions réveillées amenèrent des imprudences ; on faisait des discours, on chantait, on paraissait aux fenêtres, et des rumeurs populaires accusaient les prisonniers du 10 août de se réjouir des progrès de l’armée du duc de Bruns-