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d’avoir un peu calomnié ces innocents esprits qui peuplent et animent la région moyenne de l’air, en leur assimilant la personnalité douteuse d’un lutin femelle qui répond au nom de Belzébuth.

« Songez, lui dit l’initié, que le père Kircher, l’abbé de Villars et bien d’autres casuistes ont démontré depuis longtemps la parfaite innocence de ces esprits au point de vue chrétien. Les Capitulaires de Charlemagne en faisaient mention comme d’êtres appartenant à la hiérarchie céleste ; Platon et Socrate, les plus sages des Grecs, Origène, Eusèbe et saint Augustin, ces flambeaux de l’Eglise, s’accordaient à distinguer le pouvoir des esprits élémentaires de celui des fils de l’abîme… » Il n’en fallait pas tant pour convaincre Cazotte, qui, comme on le verra, devait plus tard appliquer ces idées, non plus à ses livres, mais à sa vie, et qui s’en montra convaincu jusqu’à ses derniers moments.

Cazotte dut être d’autant plus porté à réparer la faute qui lui était signalée, que ce n’était pas peu de chose alors que d’encourir la haine des illuminés, nombreux, puissants, et divisés en une foule de sectes, sociétés et loges maçonniques, qui se correspondaient d’un bout à l’autre du royaume. Cazotte, accusé d’avoir révélé aux profanes les mystères de l’initiation, s’exposait au même sort qu’avait subi l’abbé de Villars, qui, dans le Comte de Gabalis, s’était permis de livrer à la curiosité publique, sous une forme à demi-sérieuse, toute la doctrine des rose-croix sur le monde des esprits. Cet ecclésiastique fut trouvé un jour assassiné sur la route de Lyon, et l’on ne put accuser que les sylphes ou les gnomes de cette expédition. Cazotte opposa d’ailleurs d’autant moins de résistance aux conseils de l’initié qu’il était naturellement très porté à ces sortes d’idées. Le vague que des études faites