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thousiaste, et dans chaque jolie personne au pied fin et à la chaussure élégante il croyait retrouver une de ses filles, produit des bonnes fortunes si nombreuses de sa jeunesse. Il est probable qu’on abusait souvent de cette monomanie paternelle pour obtenir de lui des cadeaux ou des soupers.

Peu communicatif ou très prudent sur les matières politiques, il ne courut pas de dangers pendant l’époque de la terreur. Les hommes lui importaient peu, et l’ambition des partis lui répugnait. Ce qu’il voyait se passer à cette époque ne répondait nullement à ses rêves. Personne ne songeait au communisme ; parmi les jacobins tout au plus, on voulait le partage des biens, c’est-à-dire une autre forme de la propriété, — la propriété morcelée, populaire. — Quant au panthéisme, qui donc y pensait, sinon un petit nombre d’illuminés ?… On était généralement athée. La fête donnée par Robespierre à l’Être suprême lui parut une tendance bien faible vers une rénovation philosophique ; toutefois il eut quelque regret à voir Robespierre renversé par des gens qui ne le valaient pas. A partir de ce moment, son homme fut Bonaparte. Dans les écrits mystiques des derniers jours de sa vie, il le représente comme un esprit médiateur, issu de la planète de Syrius, et qui a mission de sauver la France. Pour comprendre cette supposition étrange, il faut se faire une idée du livre de Restif, intitulé Lettres du Tombeau ou les Posthumes, qui parut sous le nom de Cazotte.

Les deux premiers volumes de cet ouvrage furent inspirés par une idée charmante de la comtesse de Beauharnais et faits en partie par Cazotte, ainsi que Restif le reconnaît dans ses Mémoires. — Un jeune homme nommé Fontlèthe est amoureux de la femme d’un magistrat, ce