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Varennes… « Cet homme était, dit-il ailleurs, le dernier espoir de la patrie, que ses vices mêmes eussent sauvée… tandis que les vertus des sots, tels que Chamillard et d’Ormesson, l’ont perdue. » Et, revenant sur ses propres misères, causées par la dépréciation des assignats, qui lui faisait perdre ses 74,000 fr. d’économies, il se rappelle avec amertume que Mirabeau lui avait dit : « Il faudrait déchirer à coups de nerf de bœuf tout marchand d’argent, et faire brûler vif ou piler dans un mortier tout dépréciateur des assignats. »

VI.
la vieillesse du romancier.

À cette époque, Restif de la Bretone passait une partie de ses journées au Palais-Royal, où s’était établie une sorte de bourse qui devenait le thermomètre de la valeur des assignats. Tous les jours il voyait sa fortune fondre et espérait en vain un retour favorable : — les derniers volumes des Nuits de Paris sont pleins d’imprécations contre les agioteurs qui faisaient monter l’or à des prix fabuleux et anéantissaient les richesses en papier de la république ; — puis il allait passer ses soirées au Caveau, car ses ressources ne lui permettaient plus le café Manoury. Lorsque, par une réaction rare, l’assignat avait haussé dans la journée, il emmenait quelques femmes de moyenne vertu souper à la Grotte flamande, où l’on se permettait encore quelques orgies à bon marché. Ses chagrins affaiblissaient parfois son esprit, toujours en-