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qu’il a fait, comme les sots et les petits scélérats… Juge combien de pareils hommes doivent m’inspirer de mépris, à moi qui marcherais seul contre un million ! Eh ! combien dans notre Assemblée sont des Mirabeau en apparence, qui eussent été des Necker, s’ils n’avaient pas été soutenus par une assemblée !… Non, mon ami, je n’en vois pas un, pas un, qui eût fait seul ce que j’ai fait seul… Quand j’ai tenu le despotisme ministériel dans mes mains nerveuses, je l’ai serré à la gorge ; je lui ai dit : Combat à mort ! je t’étouffe, ou tu m’étoufferas ! Je l’ai presque étouffé… Mais il me garde un croc-en-jambe…

» — En vérité, je crois, lui dis-je alors, mon cher Riquetti, que vous feriez un grand ministre !… Puissiez-vous réussir à mériter dans cette place la seule véritable gloire, celle de contribuer au bonheur des peuples !…

» — Te voilà donc aussi dans la triviale vertu de nos philosophistes ! Le peuple ! le peuple ! Le peuple est fait pour les gens de mérite, qui sont le cerveau du genre humain : ce n’est que par et pour nous qu’il doit être heureux. Moïse a été le cerveau juif, Mahomet le cerveau arabe ; Louis XIV, tout petit qu’il fût, a été le cerveau français pendant quarante ans… C’est moi qui le suis maintenant. »

Ici Restif pose la question de savoir si la liberté est un bien pour les individus.

« La liberté, dit Mirabeau, n’est pas un avantage réel pour les enfants, les imbéciles, les fous,… pour certains hommes qui ne sont pas fous, mais dont la judiciaire est fausse, — comme sont tous les scélérats, les timbrés, les méchants par caractère, — les trop passionnés, comme nous l’avons été quelquefois, ajoute-t-il, les joueurs, les débauchés, les ivrognes, en un mot les trois quarts des hommes !… »