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nière, car elle mettait en lumière des hommes politiques fort peu sensibles à ses plans philanthropiques, plus préoccupés de formules grecques et romaines que de réformes fondamentales. Babeuf aurait pu seul réaliser son rêve ; mais, découragé de ses propres plans à cette époque, Restif ne marqua aucune sympathie pour le parti du tribun communiste. Les assignats avaient englouti toutes ses économies, qui ne se montaient pas à moins de 74,000 f, et la nation n’avait guère songé à remplacer, pour ses ouvrages, les souscriptions de la cour et des grands seigneurs dont il avait usé abondamment. Toutefois Mercier, qui n’avait pas cessé d’être son ami, fit obtenir à Restif une récompense de 2,000 fr. pour un ouvrage utile aux mœurs, et le proposa même pour candidat à l’Institut national. Le président répondit dédaigneusement : « Restif de la Bretone a du génie, mais il n’a point de goût. — Eh ! messieurs, répliqua Mercier, quel est celui de nous qui a du génie ! »

On rencontre dans les derniers livres de Restif plusieurs récits des événements de la révolution. Il en rapporte quelques scènes dialoguées dans le cinquième volume du Drame de la Vie. Il est à regretter que ce procédé n’ait pas été suivi plus complètement. Rien n’est saisissant comme cette réalité prise sur le fait. Voici, par exemple, une scène qui se passe le 12 juillet devant le café Manoury :

« Un homme, des femmes. — Lambesc ! Lambesc !… On tue aux Tuileries !

Une marchande de billets de loterie. — Où courez-vous donc ?

Un fuyard. — Nous remmenons nos femmes.

La marchande. — Laissez-les s’enfuir seules, et faites volte-face.

Son futur. — Allons ! allons, rentrez. »