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losophies, de paradoxes, de bons mots et d’anecdotes piquantes. Les salons de Dumont, de Préval et de Pelletier s’ouvraient tour à tour à ce public d’intimes. Une des personnes qui produisirent le plus d’impression sur Restif, encore un peu nouveau dans le monde, fut Mme Montalembert, qui l’accueillit avec sympathie. — Que n’ai-je trente ans de moins ! s’écria-t-il, et il s’inspira du type de cette aimable femme pour en faire la marquise des Nuits de Paris, sorte de providence occulte qu’il chargeait du sort des malheureux et des souffrants rencontrés dans ses expéditions nocturnes.

Vers la même époque, Restif fit la connaissance de Beaumarchais, qui, appréciant son double talent d’écrivain et d’imprimeur, voulut le mettre à la tête de l’imprimerie de Kehl, où se faisait la grande édition de Voltaire ; il refusa et s’en repentit plus tard.

Une autre maison s’ouvrit encore pour l’écrivain que signalait alors une célébrité croissante, ce fut celle de Grimod de la Reynière fils, jeune homme spirituel, à l’âme ardente, à la tête un peu faible, qui donnait alors des réunions littéraires de gens choisis tels que Chénier, les Trudaine, Mercier, Fontanes, le comte de Narbonne, le chevalier de Castellane, Puis Larive, Saint-Prix, etc. La bizarrerie de l’amphitryon éclatait toujours dans l’ordonnance de ses fêtes. Tout Paris s’occupa de deux grandes fêtes philosophiques que donna la Reynière, dans lesquelles il avait établi des cérémonies selon le goût antique. L’élément moderne était représenté par une abondance extraordinaire de café. Pour être admis, il fallait s’engager à boire vingt-deux demi-tasses au déjeûner. L’après-midi était occupé par des séances d’électricité. On dînait ensuite à une vaste table ronde dans une salle éclairée par trois cent soixante-six lampions. Un héraut, vêtu d’un