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ducteur, mieux prononcée encore cinq ans plus tard, lorsqu’il eut le malheur de connaître Sara. La tristesse qu’il éprouva lui donna l’idée de commencer le Hibou ou Spectateur nocturne, se désignant lui-même sous cet aspect d’oiseau de nuit que lui donnaient de loin cet œil noir et ce nez aquilin qui gracieux jadis, tournait déjà à la caricature. Ce livre est l’origine des Nuits de Paris.

Lorsque Restif composa le Nouvel Abailard, il était épris d’une jolie charcutière appelée Mlle Londo, car il lui fallait toujours un modèle pour chacun de ses ouvrages. On trouve dans ce livre le germe de sa Physique. La charcutière, ignorante par état, était curieuse d’astronomie non moins que la belle marquise à laquelle Fontenelle adressait ses savants entretiens. De là tout un système cosmogonique à la portée… des jolies charcutières ! A force de creuser ses idées transmondaines, Restif se vit conduit à écrire l’Homme volant, plaidoyer fort ingénieux en faveur de l’aérostation. La machine qui transporte Victorin dans les airs est décrite avec une scrupuleuse minutie. Il s’est inspiré là probablement du Voyage de Cyrano, qui prévoyait aussi longtemps à l’avance la découverte de Montgolfier.

Enfin parut l’ouvrage intitulé la Vie de mon père, qui, sans obtenir le succès matériel du Paysan perverti, fit grand honneur à Restif de la Bretone auprès du public sérieux. Il décrit là avec simplicité et avec charme l’existence paisible et les vertus modestes d’un honnête homme dont il avoue qu’il aurait dû suivre l’exemple. Deux portraits de son père Edme Restif et de sa mère Barbe Bertrô illustrent cet ouvrage où l’auteur manifeste pour la vertu et la pureté des mœurs les regrets que l’ange déchu put concevoir du paradis.

Un livre amer, douloureux, plein de rage et de déses-