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dont la société lui plaît. D’après sa philosophie longuement développée, il faut, pour être heureux, tout connaître, user de tout, et satisfaire ses passions sans trouble et sans enthousiasme, puis se tarir le cœur progressivement, pour arriver à cette insensibilité contemplative du sage, qui devient sa vraie couronne et le prépare aux douceurs futures de la mort, son unique récompense. En suivant ce système, Edmond, après avoir mené vie joyeuse, déshonoré sa bienfaitrice, essayé jusqu’au plus honteux raffinement du vice, finit par épouser une vieille de soixante ans, pour avoir sa fortune ; elle meurt au bout de trois mois, et l’on accuse Gaudet d’Arras de l’avoir empoisonnée. Cette action ultrà-philosophique lui réservait l’échafaud, mais Gaudet se tue. Edmond est condamné aux galères. Après de longues années de douleurs et de remords, il parvient à s’échapper et retourne dans son village ; il est si changé, si souffrant, que personne ne le reconnaît. Ses parents sont morts de douleur : il s’en va errer dans le cimetière, cherchant leurs tombes ; il y rencontre son frère Pierrot, qui n’a point quitté le village, et qui a mené doucement son existence en cultivant son champ ; il y a là une scène fort touchante et une belle opposition. L’auteur est un peu retombé dans le roman banal en faisant retrouver ensuite à Edmond sa bienfaitrice, Mme Parangon, qui lui pardonne, le console, et consent même à l’épouser ; mais, le jour même du mariage, il est renversé par une voiture qui lui passe sur le corps.

On voit que l’auteur ne s’est pas ménagé en se peignant sous le personnage d’Edmond. Il est certain qu’il a lui-même exagéré les traits du personnage pour le rendre plus saisissant, et qu’il ne se jugeait pas digne de la punition qu’il suppose. Toutefois on reconnaît bien dans Edmond le fond même du caractère qui se trahit dans