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cette étrange nature sous un dernier aspect, à raconter cette vie littéraire qui, dans ses écarts et ses bizarreries, reflète le cynisme du xviiie siècle et présage les excentricités du xixe. Ce qu’on connaît de l’homme nous aidera d’ailleurs à mieux apprécier le procédé du conteur. On s’assurera sans peine que tous les romans que Restif a écrits ne sont, avec quelques modifications et les noms changés, que des versions diverses des aventures de sa vie. A l’en croire, toutes ses héroïnes auraient été ses maîtresses ; le nombre même en est tel qu’il en a composé un calendrier, et que les trois cent soixante-cinq notices consacrées aux principales remplissent tout un volume. Quelle faculté d’attraction avait donc cet homme qui s’est représenté lui-même comme la nature la plus fortement électrisée de son siècle ! Nous devons croire qu’il s’est mêlé, dans les dernières années de sa vie, beaucoup d’infatuation et quelque peu d’érétisme maniaque à ces énumérations : préoccupé du nombre des bonnes fortunes de sa jeunesse, il croyait rencontrer partout quelqu’un de ses rejetons. De postérité légale, il n’eut que les enfants d’Agnès Lebègue : deux filles, dont l’existence devint un long sujet de procès, avec sa femme d’abord, et ensuite avec son gendre, nommé Augé, qui paraît avoir été la cause des plus grands chagrins de sa vieillesse.

Ce sont tour à tour les Mémoires de M. Nicolas, le Drame de la Vie et les Nuits de Paris qui nous révéleront sous toutes ses faces la vie littéraire de Restif. Lui-même nous apprend comment il fut conduit à écrire son premier roman.

Le mariage de Restif avec Agnès Lebègue n’avait pas été heureux, comme l’on sait. Après plusieurs infidélités réciproques, ils convinrent cependant de supporter de