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versant un baume divin sur les blessures du malheureux.

— Tes chagrins aussi seront les miens ! dit-elle. Nous parlerons ensemble de cette femme d’Auxerre que tu aimais tant…

— Oh ! dit Nicolas, tant de joie… tant de peines… tout cela me brise le cœur ! Que Dieu te bénisse, ma fille, mon enfant ! Oui, je t’aime… j’ai encore la folie de t’aimer ; pardonne-moi…

En ce moment, on entendit dans l’escalier la voix de la veuve Léeman appelant sa fille pour le déjeûner.

— Je suis forcée de descendre, dit Sara ; j’ai seulement un mot à vous dire avant de vous quitter.

— Tu me dis vous maintenant ?

— Non, c’est une distraction… Je voulais te parler d’une de mes amies que tu as pu voir avec moi, car elle travaille chez la même marchande de modes… Mlle Charpentier.

— Je l’ai vue ; elle est charmante.

— Et elle est si bonne !… mais, en vérité, je n’ose te dire…

— Quoi donc ? Parle vite, ma charmante enfant !

— Je crains si fort d’être indiscrète… Mon amie a perdu sa mère, qui, après une longue maladie, ne lui a laissé que des dettes… Que je voudrais être riche pour la pouvoir obliger !… Il ne faudrait, quant à présent, qu’un louis pour la tirer du plus grand embarras !… Elle le rendrait dans six semaines.

— Un louis ! rien qu’un louis ? s’écria Nicolas, et il alla chercher un gros étui d’où il en tira deux, qu’il mit dans la main blanche de Sara en y ajoutant un baiser.

— Oh ! qu’elle sera heureuse ! dit Sara, et elle se précipita joyeuse dans l’escalier.

De ce jour, Nicolas renonça à tous ses projets de soli-