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frémissaient de ces détails, que la Perci énumérait avec la plus grande complaisance. Loiseau ne put s’empêcher de marquer son indignation. — Que voulez-vous que je fasse ? dit alors la mère, ne suis-je pas notée ? Qui l’épouserait ?… D’ailleurs, élevée comme elle est, jolie, avec des talens, se résignera-t-elle à gagner quelques sous par jour dans la couture, ou à faire de rudes travaux, à devenir servante ? Qui voudrait d’elle ?… et dans tous les cas serait-elle moins perdue ? Nous connaissons l’histoire des jolies filles dans le peuple…

— Eh bien ! moi, je l’épouserai, dit Nicolas, si elle veut ne plus mettre les pieds chez vous, et apprendre à travailler.

La Perci se jeta à son cou : — Dis-tu vrai, mon garçon ? Tiens, tu me fais pleurer, et j’en avais perdu l’habitude… Écoute bien : ne crois pas que ma fille n’aura point une dot… et de bon argent bien gagné encore. J’ai été revendeuse, j’ai prêté à intérêt : c’est honnête, cela !

— Ne parlons pas de ces choses, dit Nicolas ; je me sens fort maintenant, et je gagne beaucoup quand je travaille… Ainsi vous consentez à ce que votre fille ne rentre plus ici ? Vous êtes une bonne femme au fond.

— Mon Dieu ! dit Loiseau, se peut-il qu’il y ait de la vertu même dans de telles âmes… Je l’ignorais ; cependant j’aurais mieux aimé ne pas le savoir.

Loiseau avait raison ; il vaut mieux, dans l’intérêt des mœurs, supposer que le vice déprave entièrement ses victimes, sauf la chance de l’expiation et du repentir, que de s’exposer au choix difficile qui résulte d’un mélange douteux de bien et de mal. C’était le raisonnement d’un homme vulgaire, mais sage. Nicolas n’était ni l’un ni l’autre malheureusement.

Zéfire accepta avec transport la proposition de vivre