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puis elle revint au lit du malade, lui mit dans la bouche des bonbons imprégnés de gouttes d’Angleterre, et, tirant de sa poche un mouchoir, lui essuya le front ; elle le coiffa de son fichu, qu’elle assujettit avec un ruban ; puis elle dit tout à coup : « Je ne suis pas en costume décent pour soigner un malade, je vais revenir d’ici à un quart d’heure. » Le fruitier rentra dans l’intervalle, apportant un second bouillon : « Il faut croire, dit-il, que votre cousine est une femme de chambre de grande maison ; elle m’a payé pour un mois, et elle a donné une croix d’or à ma petite. » Nicolas, affaibli par la maladie, ne voyait plus qu’une fée bienfaisante dans cette pauvre fille qui montait à lui de l’abîme, comme les autres viennent du ciel.

Zéfire revint bientôt en robe d’indienne, et resta près de Nicolas jusqu’à la nuit ; le fruitier lui monta à dîner, et, enchanté de la bonté et de la gentillesse de la prétendue cousine, voulut même ajouter à ses frais un petit dessert que Zéfire partagea avec le malade. Cependant la nuit était venue ; elle se leva avec un sentiment pénible : — Où allez-vous ? dit Nicolas. — A la maison ; c’est l’heure où l’on m’attend, dit Zéfire… Et elle s’enfuit pour cacher ses larmes. Nicolas avait eu à peine le temps de songer aux derniers mots de Zéfire, que les pas de son ami Loiseau se firent entendre dans l’escalier.

Loiseau n’était pas de bonne humeur ; ses compagnons de l’imprimerie n’avaient pu lui prêter que fort peu de chose : il apportait seulement du sucre pour le malade et du pain pour lui-même. Une odeur de pot-au-feu le surprit tout d’abord. C’était le dîner que le fruitier avait monté pour Zéfire, laquelle y avait à peine touché. « A la bonne heure, dit Loiseau, ce brave homme a pitié de nous ! » Et il tira la table pour profiter de cette aubaine.