Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui montrait que le devoir d’un moraliste dans ce métier d’espion romanesque et sentencieux.

Ce qui manqua toujours à Restif de la Bretone, ce fut le sens moral dans sa conduite, l’ordre et le goût dans son imagination. Un orgueil démesuré l’empêcha même de ne jamais s’en apercevoir. Toujours il attribua ses vices, soit au tempérament, soit à la misère, soit à une certaine fatalité qui, ne laissant jamais ses fautes impunies, lui en garantissait par cela même l’absolution. Ceci faisait partie d’une sorte de religion qu’il s’était faite, et qui supposait dans toutes les souffrances de cette vie l’expiation de toutes les fautes. Un tel système conduisait à tout se permettre, si l’on voulait se résigner à tout souffrir. Ce n’est qu’à titre d’épisodes entre les amours de jeunesse de Nicolas et celui qui clôtura bien tristement sa carrière amoureuse, que nous allons citer encore deux aventures dont le contraste est remarquable. Il est nécessaire, pour les admettre, de se reporter en idée à cette étrange dépravation de la société du xviiie siècle, dont certains romans, tels que Manon Lescaut et les Liaisons dangereuses, offrent un tableau qui paraît ne pas trop s’éloigner de la réalité.

II.
épisode.

A l’époque où Nicolas travaillait encore chez Knapen, il allait souvent se promener le soir le long des quais de l’île Saint-Louis, lieu qu’il affectionnait à cause de la vue, dont on y jouissait alors, des deux rives de la Seine, couvertes à cette époque de cultures verdoyantes