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rianne à la piquante Aglaé Ferrand. La douce Edmée Servigné, la coquette Delphine Baron, se disputent ses préférences. Il leur fait des vers à toutes deux, des vers du temps, dans le goût de Chaulieu et de Lafare. Il se plaît parfois à donner à ces liaisons un scandale dont le bruit pénètre jusqu’à Mme Parangon ; il répond aux reproches qu’elle lui fait l’œil mouillé de pleurs, en prenant des airs triomphants : « Il faut bien qu’un jeune homme s’amuse un peu, vous me l’avez dit… On en fait un meilleur mari plus tard… Voyez M. Parangon ! » Et la pauvre femme le quitte sans répondre, et s’en va fondre en pleurs chez elle. Hélas ! il a parfois la voix avinée, le geste hardi, les attitudes de mauvais goût des beaux danseurs de guinguette. Mme Parangon fait ces remarques avec douleur.

Tout à coup sa conduite change, il était devenu sédentaire de nouveau, mais triste ; une de ses maîtresses éphémères, Madelon Baron, venait de mourir, et, sans qu’il l’aimât profondément, cette catastrophe avait répandu un voile de tristesse sur sa vie. Mme Parangon le plaignait sincèrement et avait pris part à sa douleur, qu’elle croyait sans doute plus forte. Sa méfiance avait cessé. Un dimanche qu’ils se trouvaient seuls dans la maison, Tiennette étant allée faire une commission, Mme Parangon, qui rangeait des écheveaux de fil dans une haute armoire, appelle Nicolas pour lui en passer les paquets. Elle était montée sur une échelle double, et, pendant qu’elle se faisait servir ainsi, l’œil de Nicolas s’arrêtait sur une jambe fine, sur un soulier de droguet blanc, dont le talon mince, élevé, donnait encore plus de délicatesse à un pied des plus mignons qu’on pût voir. On sait que Nicolas n’avait jamais su résister à une telle vue. Le charme redoubla lorsque, Mme Parangon ayant de la peine à des-