Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VII.
l'étoile de vénus.

Cette action étrange, cette déclaration d’amour si singulièrement placée, cette audace surtout pour un apprenti de s’adresser à l’épouse du maître, était un premier pas sur une pente dangereuse où Nicolas ne devait plus s’arrêter. On l’a vu jusqu’ici céder facilement sans doute aux entraînements de son cœur ; nous avons dû taire même bien des aventures dont les jeunes filles de Saci et d’Auxerre étaient les héroïnes, souvent adorées, souvent trahies... Désormais cette âme si jeune encore ne se sent plus innocente ; c’était la minute indécise entre le bien et le mal, marquée dans la vie de chaque homme, qui décide de toute sa destinée. Ah ! si l’on pouvait arrêter l’aiguille et la reporter en arrière ! mais on ne ferait que déranger l’horloge apparente, et l’heure éternelle marche toujours.

Ce jour-là même, M. Parangon et le prote assistaient à un banquet de francs-maçons ; Nicolas devait donc dîner seul avec la femme de l’imprimeur. Il n’osait se mettre à table. Mme Parangon lui dit d’une voix légèrement altérée : « Placez-vous. » Nicolas s’assit à sa place ordinaire. « Mettez-vous en face de moi, dit Mme Parangon, puisque nous ne sommes que deux. » Elle le servit. Il gardait le silence et portait lentement les morceaux à sa bouche. — Mangez, puisque vous êtes à table, dit la dame. A quoi rêvez-vous ? — A rien, madame. — Etiez-