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Nicolas de débarrasser un petit fauteuil cramoisi, afin qu’elle pût s’asseoir. Nicolas, la voyant assise, se précipita à ses pieds, et lui ôta ses mules sans les déboucler. La dame ne fit que sourire, et dit : « Au moins donnez-m’en d’autres. » Nicolas se hâta d’en aller chercher ; mais Mme Parangon avait à son retour, caché ses pieds sous sa robe, et voulut alors se chausser elle-même. « Que lisez-vous là ? dit-elle. — Le Cid, madame, dit Nicolas, et il ajouta : Ah ! que Chimène fut malheureuse ! mais qu’elle était aimable ! — Oui, elle se trouvait dans une cruelle position. — Oh ! bien cruelle ! — Je crois, en vérité, que ces positions-là... augmentent l’amour. — Bien sûrement, madame, elles l’augmentent à un point... — Eh ! comment le savez-vous à votre âge ? » Nicolas fut embarrassé, il rougit. Un moment après, il osa dire : « Je le sais aussi bien que Rodrigue. » — Mme Parangon se leva avec un éclat de rire, et elle reprit d’un ton plus sérieux : « Je vous souhaite les vertus de Rodrigue, et surtout son bonheur !"

Nicolas sentit, à travers l’ironie bienveillante qui termina cette conversation, qu’il avait été un peu loin. Mme Parangon s’était retirée, mais ses mules aux boucles étincelantes étaient restées près du fauteuil. Nicolas les saisit avec une sorte d’exaltation, en admira la forme et osa écrire en petits caractères, dans l’intérieur de l’un de ces charmants objets : « Je vous adore ! » Puis, comme Tiennette rentrait, il lui dit de les reporter.