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un corrupteur. Mme Jeudi s’écriait à tout moment en pleurant : « Ma fille s’est souillée une seconde fois du péché originel ! » Cependant le gendre, moins timide que par le passé, plaidait pour avoir sa femme et pour toucher sa dot.

VI.
l’apprentissage.

L’imprimerie de M. Parangon, à Auxerre, se trouvait près du couvent des Cordeliers. Les presses étaient au rez-de-chaussée, les casses dans une grande salle au-dessus. Les premières fonctions qui furent confiées à Nicolas n’avaient rien d’attrayant ; il s’agissait principalement de ramasser dans les balayures les caractères tombés sous les pieds des compagnons, de les recomposer ensuite, puis de les recaser ; il fallait aussi faire les commissions de trente deux ouvriers, puiser de l’eau pour eux, et subir toutes leurs fantaisies grossières. L’amoureux de la belle Jeannette Rousseau, l’élève des jansénistes acceptait ces humiliations avec peine ; cependant son intelligence, son goût pour le travail, et surtout la connaissance qu’il avait du latin, ne tardèrent pas à le faire respecter des compositeurs. Il y avait quelques livres dans le cabinet du patron ; Nicolas, qui, les jours de fête, préférait la lecture aux parties de plaisir de ses camarades, se prit d’une grande admiration pour les romans de Mme de Villedieu. La facilité avec laquelle les amants s’écrivent dans ces sortes de compositions lui fit trouver tout naturel d’écrire une lettre d’amour à Jeannette en vers octosyllabiques ; seulement par un oubli incroyable des précautions à