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MES PRISONS


SAINTE-PÉLAGIE EN 1831

Ces souvenirs ne réussiront jamais à faire de moi un Silvio Pellico, pas même un Magallon… Peut-être encore ai-je moins pourri dans les cachots que bien des gardes nationaux littéraires de mes amis ; cependant, j’ai eu le privilége d’émotions plus variées ; j’ai secoué plus de chaînes, j’ai vu filtrer le jour à travers plus de grilles ; j’ai été un prisonnier plus sérieux, plus considérable ; en un mot, si à cause de mes prisons je ne me suis point posé sur un piédestal héroïque, je puis dire que ce fut pure modestie de ma part.

L’aventure remonte à quelques années ; les Mémoires de M. Gisquet viennent de préciser l’époque dans mon souvenir ; cela se rattache, d’ailleurs, à des circonstances fort connues ; c’était dans un certain hiver où quelques artistes et poëtes s’étaient mis à parodier les soupers et les nuits de la Régence. On avait la prétention de s’enivrer au cabaret ; on était raffiné, truand et talon rouge tout à la fois. Et ce qu’il y avait de plus réel dans cette réaction vers les vieilles mœurs de la jeunesse française, c’était, non le talon rouge, mais le cabaret et l’orgie ; c’était le vin de la barrière bu dans des crânes en chantant la ronde de Lucrèce Borgia ; au total, peu de filles enlevées, moins encore de bourgeois battus ; et, quant au guet, formulé par des gardes municipaux et des sergents de ville, loin de se