« Qu’il vous suffise, mon ami, de ces raisonnements, pour vous bien encourager à boire cette absinthe sans grimace, et méditez encore d’ici là un beau vers de Lucrétius dont voici le sens : « Vivez aussi longtemps que vous pourrez, vous n’ôterez rien à l’éternité de votre mort ! »
Après ces belles maximes quintessenciées des anciens et des modernes, subtilisées et sophistiquées dans le goût du siècle, maître Gonin releva sa lanterne, frappa à la porte du cachot, que le geôlier vint lui rouvrir, et les ténèbres retombèrent sur le prisonnier comme une chape de plomb.
XIII
OÙ L’AUTEUR PREND LA PAROLE
Les personnes qui désireront savoir tous les détails du procès d’Eustache Bouteroue en trouveront les pièces dans les Arrêts mémorables du Parlement de Paris, qui sont à la bibliothèque des manuscrits, et dont M. Paris leur facilitera la recherche avec son obligeance accoutumée. Ce procès tient sa place alphabétique immédiatement avant celui du baron de Boutteville, très-curieux aussi, à cause de la singularité de son duel avec le marquis de Bussi, où, pour mieux braver les édits, il vint exprès de Lorraine à Paris et se battit dans la place Royale même, à trois heures après midi, et le propre jour de Pâques (1627). Mais ce n’est point de cela qu’il s’agit ici. Dans le procès d’Eustache Bouteroue, il n’est question que du duel et des outrages au lieutenant civil, et non du charme magique qui causa tout ce désordre. Mais une note annexée aux autres pièces renvoie au Recueil des histoires tragicques de Belleforest (édition de la Haye, celle de Rouen étant incomplète) ; et c’est là que se trouvent encore les détails qui nous restent à donner sur cette aventure, que Belleforest intitule assez heureusement Main possédée.