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Perdre pour un sonnet et sommeil et repos.
Puis ma muse est trop chaste, et j’ai trop de courage,
Je ne puis pour autrui façonner un ouvrage.
Pour moi j’ai de la cour autant comme il m’en faut ;
Le vol de mon dessein ne s’estend point si haut !
De peu je suis content ; encore que mon maistre,
S’il lui plaisoit un jour mon travail reconnoistre,
Peut autant qu’autre prince, et a trop de moyen
D’eslever ma fortune et me faire du bien.
Ainsi que sa nature à la vertu facile
Promet que mon labeur ne doit estre inutile,
Et qu’il doit quelque jour, malgré le sort cuisant,
Mon service honorer d’un honneste présent ;
Honneste, et convenable à ma basse fortune,
Qui n’abaye et n’aspire, ainsi que la commune,
Après l’or du Pérou, ni ne tend aux honneurs
Que Rome départit aux vertus des seigneurs.
Que me sert de m’asseoir le premier à la table,
Si la faim d’en avoir me rend insatiable,
Et si le faix léger d’une double évesché,
Me rendant moins content, me rend plus empesché ;
Si la gloire et la charge à la peine adonnée
Rend souz l’ambition mon ame infortunée ?
Et quand la servitude a pris l’homme au colet,
J’estime que le prince est moins que son valet.
C’est pourquoi je ne tends à fortune si grande :
Loin de l’ambition, la raison me commande,