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Mais suivant ce qu’ils sont, ils diffèrent d’entraves ;
Les uns les portent d’or, et les autres de fer :
Mais, n’en desplaise aux vieux, ni leur philosopher,
Ni tant de beaux escrits qu’on lit en leurs escoles
Pour s’affranchir l’esprit, ne sont que des paroles ;

Au joug nous sommes nez, et n’a jamais esté
Homme qu’on ait veu vivre en pleine liberté.

En vain me retirant enclos en une estude,
Penserois-je laisser le joug de servitude ;
Estant serf du désir d’apprendre et de sçavoir,
Je ne ferois sinon que changer de devoir.
C’est l’arrest de nature, et personne en ce monde
Ne sçauroit controler sa sagesse profonde.

Puis, que peut-il servir aux mortels ici bas,
Marquis, d’estre sçavants, ou de ne l’estre pas,
Si la science, pauvre, affreuse et mesprisée,
Sert au peuple de fable, aux plus grands de risée :
Si les gens de latin des sots sont dénigrez,
Et si l’on n’est docteur sans prendre ses degrez ?
Pourveu qu’on soit morgant, qu’on bride sa moustache,
Qu’on frise ses cheveux, qu’on porte un grand panache,
Qu’on parle barragouin, et qu’on suive le vent,
En ce temps d’aujourd’hui l’on n’est que trop sçavant.