Page:Nerval - Choix des poésies de Ronsard, 1830.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ravageant les moissons, courent bride avalée.
La terre tremble toute, et tressaillant de peur,
Dans ses veines ne laisse une goutte d’humeur :
Et toi, toi-même, ô, ciel lies écluses débondes
De tes larges marets, pour dégorger les ondes ’
Sur ta sœur, qui vivant, et sans honte et sans loi,
Se plaisoit seulement à déplaire à ton roi.

Jà la terre se perd, jà Néree est sans marge ;
Les fleuves ne vont plus se perdre en la mer large)/ v
Eux-mêmes sont la mer ; tant d’océans divers r
Ne font jq^’un océan : même cet univers,
N’est rien qu’un grand étang,qui veut joindre son onde
Au demeurant des eaux répandu sur le monde.
L’estourgeon côtoyant les cimes des châteaux
S’esmerveille de voir tant de toits sous lès eaux.
Le manat, le mular, s’allongent sur les croupes
Ou naguère broutoient les sautelantes troupes
Des ouvres porte-barbe, et les dauphins camus
Des arbres montagnards rasent les chefs ramus.
Rien ne sert au lévrier, au cerf, à la tigresse,
Au lièvre, au cavalot, sa plus prompte vitesse ;
Plus il cherche la terre, et plus et plus, hélas !
Il la sent, effrayé, se perdre sous ses pas.
Le bièvre, la tortue, et le fier crocodile,
Qui jadis jouissoient d’un double domicile,
N’ont que l’eau pour maison ; les loups et les agneaux,