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LE DÉLUGEi

L’AMAS des ea,u.x du ciel, joint à nos basses eau ,
Des mqnts plus sourcilleux dérobant les coupeaux,
Auroit uoyé ce tout, si, triomphant de l’onde,
Noé n’eust comme enclos dans peu d’arbres le monde,
Bâtissant une nef, et par mille travaux,
Conservant là-dedans tout genre d’animaux.
Ils n’y furent entrés, que dans l’obscure grotte
Du matin roi des vents, le Tout puissant, garotte
L’aquilon chasse-nue, et met pour quelque temps
La bride sur le col aux forcenés autans.
. D’une aile toute moite ils commencent leur course ;
Chaque poil de leur barbe est une humide source,
De nues une nuit enveloppe leur front ;
Leur crin froid et neigeux, tout en pluie se fond,
Et pressant de leur main l’épaisseur des nuages,
Les font crever en pluie, en éclairs, en orages.
Les torrents écumeux, les fleuves, les ruisseaux,
S’enflent en un moment : jà les confuses eaux
Perdent leurs premiers bords, et dans la mer salée