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LE RETOUR DU PRINTEMPS.
À J. DAURAT.

De l’hiver la triste froidure
Va sa rigueur adoucissant,
Et des eaux l'écorce dure
Au doux Zéphire amollissant
Les oiseaux par les bois
Ouvrent à ceste fois
Leurs gosiers étrécis,
Et plus sous durs glaçons
Ne sentent les poissons
Leurs manoirs raccourcis.
La froide humeur des monts chenus*
Enfle déjà le cours des fleuves ;
Déjà les cheveux sont venus
Au forêt si longuement veuves.
La Terre au Ciel riant
Va son teint variant
De mainte couleur vive :
Vénus ose ja* sur la brune*
Mener danses gaies, et contes*
Aux pâles rayons de la lune,
Ses Grâces aux Nymphes bien jointes.
Maint Satyre outrageux,
Par les bois ombrageux,
Ou du haut d'un rocher,
(Quoi que tout brûle, et arde*)
Étonné les regarde,
Et n'en ose approcher.
Or est temps que l'on se couronne
De l'arbre à Vénus consacré,
Ou que sa tête on environné
Des fleurs qui viennent de leur gré.
Qu'on donne au vent aussi
Cet importun souci,
Qui tant nous fait la guerre :
Que l'on voie sautant,
Que l'on voie heurtant
Qu'un pied livre la terre.
Voici, déjà l'été, qui tonne,
Chasse le peu durable ver,
L'été le fructueux automne,
L'automne le frileux hiver.
Mais les lunes volages
Ces célestes dommages
Réparent : et nous hommes,
Quand descendons aux lieux
De nos ancêtres vieux,
Ombre, et poudre que nous sommes.
Pourquoi donc avons nous envie
Du soin qui les coeurs ronge, et fend ?
Le terme bref de notre vie.
Long espoir nous défend.
Ce que les Destinées
Nous donnes de journées.
Estimons que c'est gain.
Que sais-tu si les Dieux
Octroieront à tes yeux
De voir un lendemain ?
Dis à ta lyre qu'elle enfanté
Quelques vers, dont le bruit soit tel,
Que ta Viennes à jamais se vante
Du nom de Dorat immortel.
Ce grand tour violant