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Puis, au plus chaud du jour sortant du fond des eaux,
Paresseux, me ranger aux monstrueux troupeaux
Du vieil berger Protée, ot dormir sur le sable,
Que me voir derechef un homme misérable.
J’aimerois mieux renaistre en un cerf bocager,
Portant un arbre au front, ayant le corps léger
Et les ergots fourchus, et seul et solitaire,
Faire auprès de ma biche es buissons mon repaire,
Saulter parmy les fleurs, errer à mon plaisir,
Et me laisser conduire à mon premier désir,
Et la frescheur des bois et des fontaines suivre,
Que me voir derechef en un homme revivre.
De tous les animaux le plus lourd animal
C’est l’hommej le sujet d’infortune et de mal,
Qui endure en vivant là peine que Tentale,
Là bas endure mort dedans l’onde infernale,
Et celle de Sisyphe et celle d’Ixion.
Vif, son enfer il porte v ou par ambition,
Ou par crainte de mort, qui tousjours le tourmente,
Et plus un mal finist et plus l’autre s’augmente.
Toutefois à l’ouyr discrètement parler,
Vous diriez que sa gloire au ciel s’en doit voler,
Tant il fait en parlant de la beste entendue ;
Ignorant que les dieux lliyont trop cher vendue