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NOBLES ET VALETS


Les nobles d’autrefois, dont parlent les romans,
Ces preux à fronts de bœuf, à figures dantesques,
Dont les corps charpentés d’ossements gigantesques
Semblaient avoir au sol racine et fondement ;

S’ils revenaient au monde, et qu’il leur prît l’idée
De voir les héritiers de leurs noms immortels,
Race de laridons, encombrant les hôtels
Des ministres, — rampante, avide et dégradée ;

Êtres grêles, à buscs, plastrons et faux-mollets : —
Certes, ils comprendraient alors, ces nobles hommes,
Que, depuis les vieux temps, au sang des gentilshommes
Leurs filles ont mêlé bien du sang de valets !




LE REVEIL EN VOITURE

Voici ce que je vis. — Les arbres sur ma route
Fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute !
Et sous moi, comme ému par les vents soulevés,
Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés.
 
Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes
Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes
En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux
De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos.

Et les monts enivrés chancelaient : la rivière
Comme un serpent boa, sur la vallée entière
Étendu, s’élançait pour les entortiller…
— J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !




LE RELAI

En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure.