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Mais qu’osé-je prévoir ? tandis que la jeunesse
S’entoure d’un éclat, hélas, bien passager,
Tu ne peux te fier à toute la tendresse
D’un cœur en qui le temps ne pourra rien changer.
Tu le connaîtras mieux : s’accroissant d’âge en âge.
L’amour constant ressemble à la fleur du soleil,
Qui rend à son déclin, le soir, le même hommage
Dont elle a, le matin, salué son réveil !




STANCES ÉLÉGIAQUES


Ce ruisseau dont l’onde tremblante
Réfléchit la clarté des cieux.
Paraît dans sa course brillante
Etinceler de mille feux ;
Tandis qu’au fond d’un lit paisible.
Où, par une pente insensible
Lentement s’écoulent ses flots.
Il entraîne une fange impure
Qui d’amertume et de souillure
Partout empoisonne ses eaux.

De même un passager délire,
Un éclair rapide et joyeux
Entr’ouvre ma bouche au sourire.
Et la gaîté brille en mes yeux ;
Cependant mon âme est de glace,
Et rien n’effacera la trace
Des malheurs qui m’ont terrassé.
En vain passera ma jeunesse
Toujours l’importune tristesse
Gonflera mon cœur oppressé.

Car il est un nuage sombre.
Un souvenir mouillé de pleurs,
Qui m’accable et répand son ombre
Sur mes plaisirs et mes douleurs.
Dans ma profonde indifférence,