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violence, expliquant mes griefs et invoquant le secours de ceux qui me connaissaient. Un vieillard me dit : « — Mais on ne se conduit pas ainsi, vous effrayez tout le monde. » Alors je m’écriai : « — Je sais bien qu’il m’a frappé déjà de ses armes, mais je l’attends sans crainte et je connais le signe qui doit le vaincre. »

En ce moment, un des ouvriers de l’atelier que j’avais visité en entrant parut, tenant une longue barre dont l’extrémité se composait d’une boule rougie au feu. Je voulus m’élancer sur lui, mais la boule qu’il tenait en arrêt menaçait toujours ma tête… On semblait autour de moi me railler de mon impuissance… Alors, je me reculai jusqu’au trône l’âme pleine d’un indicible orgueil, et je levai le bras pour faire un signe qui me semblait avoir une puissance magique. Le cri d’une femme, distinct et vibrant, empreint d’une douleur déchirante, me réveilla en sursaut ! Les syllabes d’un mot inconnu que j’allais prononcer expiraient sur mes lèvres… Je me précipitai à terre et je me mis à prier avec ferveur en pleurant à chaudes larmes. — Mais quelle était donc cette voix qui venait de résonner si douloureusement dans la nuit ?

Elle n’appartenait pas au rêve ; c’était la voix d’une personne vivante, et pourtant c’était pour moi la voix et l’accent d’Aurélia…