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exprimant le suc des herbes et des fleurs. — Que de fois j’ai rêvé devant cette chère idole ! Je fis plus, je tentai de figurer avec de la terre le corps de celle que j’aimais ; tous les matins, mon travail était à refaire, car les fous, jaloux de mon bonheur, se plaisaient à en détruire l’image.

On me donna du papier, et pendant longtemps je m’appliquai à représenter, par mille figures accompagnées de récits, de vers et d’inscriptions en toutes langues connues, une sorte d’histoire du monde mêlée de souvenirs d’études et de fragments de songes que ma préoccupation rendait plus sensible ou qui en prolongeait la durée. Je ne m’arrêtais pas aux traditions modernes de la création. Ma pensée remontait au-delà : j’entrevoyais, comme en un souvenir, le premier pacte formé par les génies au moyen de talismans. J’avais essayé de réunir les pierres de la Table sacrée, et de représenter à l’entour les sept premiers Éloïm qui s’étaient partagé le monde.

Ce système d’histoire, emprunté aux traditions orientales, commençait par l’heureux accord des Puissances de la nature, qui formulaient et organisaient l’univers. — Pendant la nuit qui précéda mon travail, je m’étais cru transporté dans une planète obscure où se débattaient les premiers germes de la création. Du sein de l’argile encore