C’était avant la guerre. Les gars joyeux et bien découplés s’en allaient par bandes, chantant de vieilles chansons du pays que je devais retrouver un jour sur la frontière de la Catalogne, en pleines Pyrénées, et dont la mélopée lente me remua étrangement, si loin du pays perdu. Ils s’en allaient vers la mairie, accueillis partout par des visages riants. Les drapeaux aux couleurs de France sortaient des fenêtres à leur approche et de jolies figures, coiffées du grand papillon, dont les ailes flottaient au vent, se penchaient vers eux en souriant. Eux agitaient leurs larges feutres, d’où tombaient d’épais flots de rubans bleus, blancs et rouges. Ils poussaient des juxer retentissants en brandissant le drapeau qu’ils portaient en main et s’engouffraient sous la porte de la mairie, après avoir serré à la briser la main paternelle du gendarme de garde. Quelques minutes après, ils reparaissaient sur le perron, agitant encore leurs grands chapeaux aux longs flots de rubans de soie, criant à tue-tête leurs numéros et poussant de retentissants : Vive