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C’était par un soir d’août dans une vallée des Vosges, au pied du Ballon. Un régiment allemand arrivait, gris de poussière, harassé ; les tambours battaient, les fifres sifflaient leurs airs stridents et lugubres, cherchant en vain à secouer la torpeur des soldats, marquant lourdement et machinalement le pas ; mais on sentait qu’à la première halte leurs jambes raidies refuseraient tout service et que plus d’un s’abattrait terrassé par la fatigue.

Un commandement bref retentit, porté de rang en rang, et la longue colonne noire s’arrêta comme pétrifiée tandis que commençait la distribution des billets de logement. Comme une nuée railleuse, les gamins, tournant autour des soldats du roi Guillaume, sifflant quelqu’une de ces chansons moqueuses, la seule arme restée aux annexés. Les chants de haine contre la France, enseignés de force à l’école, étaient oubliés subitement. On imitait à